Mangas Éducatifs : La Culture Classique Accessible aux Enfants

Mangas Éducatifs : La Culture Classique Accessible aux Enfants

Victor Hugo et Franz Kafka pourraient-ils réellement atterrir au rayon manga ? Étonnamment, ce n’est pas une blague. Si vous fréquentez régulièrement les librairies, vous avez très probablement croisé des œuvres inattendues figurant parmi les BD japonaises, telles que Le Prince de Machiavel, La Critique de la raison pure de Kant, ainsi que des biographies captivantes de figures emblématiques comme Gandhi, Saint-Exupéry ou Cléopâtre. Cela fait près d’une décennie que divers éditeurs de manga se sont engagés dans une mission de vulgarisation historique et scientifique destinée aux jeunes lecteurs. Pour ce faire, quoi de plus adapté que le manga, ce format prisé par les jeunes générations ?

Au milieu de cette effervescence, trois collections se démarquent parmi les nombreuses productions des éditeurs : Soleil, par exemple, se consacre à l’adaptation de « les Classiques de la littérature en manga » (La Recherche de Proust et Le Capital de Marx). De son côté, Nobi Nobi, spécialisé dans les mangas pour enfants, offre également des adaptations sous l’enseigne « les Grands noms de l’Histoire en manga », avec des titres remarquables comme Galilée, qui sortira le 6 novembre. Enfin, Kurowaka propose une fusion unique avec sa collection « Kuro-Savoir », qui aborde des thèmes variés comme la philosophie en adaptant des œuvres essentielles telles que Le Discours de la méthode de Descartes et Traité du gouvernement civil de Locke.

Ces initiatives rendent non seulement accessibles aux enfants et adolescents des thématiques souvent perçues comme complexes, mais elles ne visent pas à remplacer les textes originaux ou les manuels scolaires. Au contraire, selon les éditions Soleil, « ces titres offrent une occasion enrichissante de découvrir des œuvres fondatrices, tout en étant compatibles avec la culture nipponne », comme le signale un communiqué de presse de leur collection.

Des mangas étudiés à l’école

Chez Kurokawa, Soleil, ou Nobi Nobi, chaque éditeur met en avant le fait que la création de mangas pédagogiques repose généralement sur une étroite collaboration avec des spécialistes du sujet. Historiens, professeurs et chercheurs relisent soigneusement les titres et participent à l’enrichissement des bonus associés à chaque manga, incluant des frises chronologiques, des biographies, ainsi que des explications détaillées pour approfondir les sujets abordés. Naturellement, lors des adaptations, les éditeurs s’assurent que le livre original est systématiquement consulté tout au long du processus.

Les mangas éducatifs n’ont pas tardé à séduire le milieu scolaire. Selon Pierre-Alain Dufour, responsable éditorial chez Nobi Nobi, « nous avons recueilli des témoignages provenant de classes ayant des difficultés en lecture, et ces titres s’avèrent être une véritable révélation pour eux ». De plus, Nobi Nobi bénéficie de l’appui de la branche « éducation » de Hachette, sa maison mère, pour publier des œuvres conformes aux programmes scolaires. « Nous nous efforçons d’adapter des œuvres de Shakespeare, Hugo ou Descartes, en lien avec ce que les élèves étudient », précise Dufour.

Iker Bilbao, de son côté chez Soleil, renchérit en disant : « Je reçois fréquemment des demandes de professeurs pour animer des ateliers dans les écoles, et certaines des planches de notre adaptation du Capital de Marx se retrouvent même dans les manuels scolaires d’économie ». La responsable éditoriale de Kurokawa, Adeline Laborie, partage ce constat : « Les documentalistes nous témoignent souvent leur gratitude pour notre initiative », témoignant de l’impact positif de ces mangas sur le parcours éducatif. Elicia Cassin, enseignante de français au collège, soutient fermement l’idée d’employer des mangas pour encourager les élèves à explorer les classiques : « Demander à un élève de cinquième de lire les deux mille pages des Misérables est une gageure ; le manga peut certes éveiller son intérêt pour découvrir le texte original plus tard », confie-t-elle.

Le Capital vendu à plus de 60 000 exemplaires

Malgré un marché initialement perçu comme de niche, les mangas éducatifs connaissent un succès manifeste. Parmi les ouvrages les plus populaires, Soleil a vendu plus de cinquante mille exemplaires du Capital de Marx. Nobi Nobi a également connu un succès retentissant avec pas moins de vingt mille exemplaires de Roméo et Juliette de Shakespeare. Pour sa part, Kurokawa enregistre des chiffres semblables avec sa propre adaptation du Capital, se chiffrant à plus de dix mille exemplaires écoulés. « Grâce à ces titres, nous parvenons à introduire le manga dans des sphères où il n’était pas habituellement présent », remarque Pierre-Alain Dufour, soulignant l’alimentation de cette nouvelle dynamique.

Ces œuvres atypiques trouvent leur place non seulement dans les librairies, mais également dans des établissements tels que des musées ou des boutiques qui n’avaient pour habitude de proposer des mangas, comme les magasins Natures & Découvertes. « Ce ne sont pas des titres comme Naruto ou One Piece, mais ces collections éveillent toujours la curiosité », ajoute le directeur éditorial de Nobi Nobi. « C’est un catalogue substantiel qui s’écoule régulièrement chaque année, permettant aux libraires de les conserver dans leurs rayons. Nous avons également noté une baisse significative des retours de stocks », précise-t-il avec satisfaction. Bien que leur style graphique puisse ne pas correspondre aux standards du shonen et que le contenu soit largement simplifié, ces mangas pédagogiques représentent une première approche versatile de la culture classique pour les jeunes lecteurs. Étant donné qu’une bande dessinée vendue en France sur deux est désormais un manga, il est indispensable d’embrasser ce format pour captiver cette tranche d’âge.

Cependant, malgré l’évolution de l’image du manga, certaines réticences subsistent chez certains parents. Pour améliorer la perception de la BD japonaise dans ce contexte, les mangas éducatifs se révèlent être un excellent point d’entrée. Nobi Nobi se concentre sur un public plus jeune, veillant ainsi à atténuer la peur que peuvent susciter certains contenus : « Depuis nos débuts en 2014, nous souhaitons rassurer les parents sur le fait que le manga ne se résume pas à la violence », souligne Pierre-Alain Dufour. Son homologue chez Soleil, Iker Bilbao, aspire à « faire découvrir le manga dans sa diversité, en s’éloignant des stéréotypes du shonen traditionnel », tandis qu’Adeline Laborie de Kurokawa se concentre sur des lecteurs qui n’ont pas nécessairement coutume de s’immerger dans des bandes dessinées japonaises.

Un interdit absolu : Mein Kampf

Les lecteurs japonais se montrent extrêmement friands de biographies et d’adaptations en manga. Dans l’archipel, chaque éditeur enrichit son catalogue de centaines de titres, offrant ainsi une richesse inestimable à Soleil, Nobi Nobi et Kurokawa, qui font parfois face à des doublons. Le marché français compte trois adaptations différentes de La Métamorphose, et tout autant de versions des Misérables, ainsi que de Discours de la méthode ou de la Critique de la raison pure. Cette abondance de choix peut parfois s’avérer déconcertante !

« Il est regrettable que nous présentions simultanément les mêmes titres », admet Iker Bilbao. Cependant, chaque éditeur apporte sa propre vision, et tant que les lecteurs en ressortent satisfaits, cela valide le travail de qualité fourni de leur côté. Cela n’empêche pas de prendre des risques avec des titres plus audacieux ou inattendus, couvrant des sujets aussi variés que la Bible ou le Kamasutra pour les éditions Soleil, et même les théories d’Alfred Adler ou de Gustave Le Bon chez Kurokawa.

Il existe néanmoins une ligne rouge que Iker Bilbao refuse d’envisager : l’adaptation au format manga de Mein Kampf, l’ouvrage d’Adolf Hitler, qui, bien qu’il soit disponible au Japon, ne sera jamais diffusé par ses soins. « Aujourd’hui, nous avons épuisé notre catalogue et travaillons sur notre première création originale, révèle-t-il. Ce projet concerne une adaptation de classique par un mangaka français visant à répondre aux besoins éducatifs, sur une œuvre qui ne sera jamais développée au Japon. Serait-ce le début d’une nouvelle ère pour les mangas éducatifs ?

Comment‍ les mangas éducatifs contribuent-ils à l’enrichissement culturel des jeunes lecteurs ‌?

Deaux dessinées. Ensemble, ces éditeurs travaillent à démystifier le manga et à élargir son champ d’action⁢ en proposant des œuvres qui allient pédagogie et⁤ divertissement.

l’essor⁣ des mangas ‍éducatifs témoigne d’un changement de paradigme ⁢dans l’approche de la littérature classique. Grâce à des adaptations judicieusement conçues ⁣et⁤ à ⁢des collaborations⁢ avec des​ spécialistes, ces mangas offrent une nouvelle porte d’entrée vers des œuvres essentielles, tout en ⁣s’intégrant dans le milieu⁢ scolaire. Leur​ succès croissant révèle⁢ une appétence du public⁣ pour des formats innovants qui piquent la curiosité des ‌jeunes lecteurs et les incitent⁢ à⁣ explorer des univers littéraires souvent perçus comme inaccessibles. Par ⁤conséquent,⁢ ces initiatives contribuent non seulement ⁢à l’enrichissement culturel ​des jeunes générations, mais également à une ‌revalorisation du format manga au-delà des préjugés‍ traditionnels.

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